L’article 5, I du code des marchés publics dispose que « la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins. »...
Sur ce fondement, le pouvoir adjudicateur est tenu de définir, préalablement au lancement de la procédure, de manière suffisamment précise, la nature et l’étendue des besoins à satisfaire. S’il contrevient à cette obligation, la procédure de passation du marché sera entachée d’un vice pouvant conduire à l’annulation du marché. C’est ainsi que, par un arrêt du 17 janvier 2013 , la Cour administrative d’appel de Douai a annulé un marché au regard de l’imprécision de la définition des besoins à satisfaire.
En l’espèce, une commune avait lancé une procédure adaptée en vue de l’attribution d’un marché ayant pour objet le renouvellement du système de vidéosurveillance du musée municipal. Le cahier des clauses techniques particulières, qui n’indiquait que partiellement les caractéristiques techniques relatives au matériel de vidéosurveillance requis, prévoyait également que « suite à sa visite sur site, le prestataire procèdera au dénombrement des caméras et proposera une implantation des différentes caméras en précisant les caractéristiques techniques de chacune afin de répondre aux exigences du musée ». Ce faisant, la Commune ne portait à la connaissance des candidats ni le périmètre du musée concerné par le dispositif de vidéosurveillance, ni les critères justifiant l’installation de ce dernier dans les différentes salles, ni même le nombre minimal de caméras requises au titre du marché. Pour l’ensemble de ces raisons, la Cour estime que la Commune a insuffisamment défini ses besoins.
La définition des besoins, imposée par l’article 5 du code des marchés publics, constitue une étape capitale de la passation d’un marché, en ce qu’elle est nécessaire à l’efficacité de l’achat public. Ainsi que le rappelle le Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics, une bonne évaluation des besoins est « une condition impérative, pour que l'achat soit effectué dans les meilleures conditions », ce qui implique que la Collectivité apporte un soin particulier à la réalisation de cette phase préalable.
La définition des besoins requiert d’autant plus d’attention qu’elle conditionne le bon déroulement de la procédure, et ce pour au moins deux raisons.
D’une part, la définition des besoins permet de déterminer l’objet du marché qui, aux termes de l’article 5 du code des marchés publics, est exclusivement d’y apporter une réponse. L’objet du marché devra d’ailleurs être décrit de manière suffisamment précise dans les documents de la consultation sans quoi il sera susceptible d’être annulé par le juge . Le Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics relève, à titre d’exemple, que « l'objet du marché ne saurait se réduire à la seule mention de « Prestations informatiques », lorsqu'il s'agit de prestations de tierce maintenance applicative d'un programme donné, ou de « Prestations de services juridiques », lorsqu'il s'agit d'un marché de représentation en justice. ». Enfin, l’on soulignera que l’objet du marché, qui résulte de la définition des besoins, a également un impact sur le choix des critères d’attribution du marché, ceux-ci devant lui être lié en vertu de l’article 53 du code des marchés publics.
D’autre part, la définition des besoins a une influence directe sur le choix de la procédure puisque celle-ci est déterminée en fonction des besoins, que ce soit en termes de montant ou d’objet du marché.
Sur ce dernier point, l’article 6 du code des marchés publics impose également au pouvoir adjudicateur de définir les prestations qui font l’objet du marché par des spécifications techniques formulées « soit par référence à des normes ou à d'autres documents équivalents accessibles aux candidats », « soit en termes de performances ou d'exigences fonctionnelles », soit enfin, en combinant ces deux méthodes. En d’autres termes, la définition des besoins doit être concrétisée par la détermination des exigences de la Collectivités en ce qui concerne l’ensemble des prestations incluses dans l’objet du marché. Cette relation entre la définition des besoins à satisfaire et celle des prestations attendues par des spécifications techniques apparaît d’ailleurs dans l’arrêt commenté. En effet, c’est sur le double fondement des dispositions des articles 5 et 6 du code des marchés publics que la Cour administrative d’appel annule le marché litigieux.
En définitive, la Collectivité devra veiller non seulement à définir de manière suffisamment précise les besoins à satisfaire, avant tout lancement de la procédure mais également à en assurer une publicité complète, ce qui suppose notamment que les prestations objets du marché soient suffisamment définies par des spécifications techniques.
La définition du besoin par la Collectivité constitue également un élément essentiel de la mise en concurrence pour les candidats. En effet, si elle n’est pas suffisamment précise, ces derniers ne pourront être mis à même de présenter utilement une offre qui corresponde aux besoins du pouvoir adjudicateur. La jurisprudence interprète l’article 5 du code des marchés publics comme étant nécessaire afin de « permettre aux candidats de présenter une offre adaptée aux prestations attendues, compte tenu des moyens nécessaires pour les réaliser » . C’est également en ce sens que se prononce la Cour administrative d’appel dans l’arrêt commenté, relevant que, en raison des imprécisions relatives aux attentes du pouvoir adjudicateur, le requérant n’avait pu présenter une offre correspondant aux prestations attendues par ce dernier. Dès lors qu’elle n’avait pas défini de manière suffisante les prestations incluses dans le marché, et en particulier le périmètre du musée concerné par marché, le nombre minimal de caméras requises ainsi que les caractéristiques techniques des équipements répondant à ses besoins, la Commune ne pouvait donc écarter l’offre du candidat au motif que le nombre de caméras proposées était insuffisant et que la solution technique présentée était trop contraignante.
En conséquence, la Cour annule le marché eu égard à la gravité du vice entachant la procédure de passation. En effet, elle considère que, dans ces conditions, l’éviction du candidat a porté atteinte aux principes d’égalité de traitement et de transparence des procédures. La méconnaissance des principes fondamentaux de la commande publique justifie ainsi l’annulation dans le cadre d’un recours en contestation de validité du contrat, dit recours Tropic. Ce moyen pourrait également être soulevé en référé précontractuel, sous réserve que soient respectées les conditions posées par la jurisprudence SMIRGEOMES. En effet, le requérant ne pouvant alors se prévaloir que des irrégularités qui sont susceptibles de l’avoir lésé, l’imprécision du besoin n’entrainera l’annulation de la procédure de passation que si elle a eu un impact direct sur l’éviction du candidat. Tel semble être le cas lorsque l’imprécision du besoin a pour conséquence une atteinte à l’égalité de traitement des candidats et à la transparence de la procédure . En revanche, par une décision récente, le Conseil d’Etat a précisé que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 5 du code des marchés publics ne pouvait conduire à l’annulation de la procédure de passation dans le cadre d’un référé précontractuel lorsque le requérant « a pu déposer utilement une offre (…), laquelle a été jugée régulière, et donc conforme aux exigences du règlement de la consultation, et a été examinée puis classée par le pouvoir adjudicateur » .
Eric Lanzarone, avocat au barreau de Marseille, chargé d’enseignement à l’université
Hanna Braunstein, avocate Cabinet Lanzarone, chargée d’enseignement à l’université
Article « D'abord : savoir ce dont on a besoin, La lettre du cadre territorial, 1er mars 2013, n°459, 1er mars 2013
1 - CAA Douai, 17 janvier 2013, Commune de Hazebrouck, n° 12DA00780.
2 - CE, Département de Paris, n° 159693.
3 - CE, 1er juin 2011, Commune de Saint-Benoît, n° 345649.
4 - CE, 15 décembre 2008, Communauté urbaine de Dunkerque, n° 310380.
5 - CE, 1er juin 2011, Commune de Saint-Benoît, précité.
6 - CE, 15 décembre 2008, Communauté urbaine de Dunkerque, n° 310380.
7 - CE, 18 décembre 2012, UGAP, n° 363208.
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